« Il vaut mieux miser sur des matériaux de construction qui permettent une réutilisation simple et propre. »

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Le recyclage et l'économie circulaire dans le secteur de la construction gagneront en importance à l'avenir, affirme Susanne Kytzia. La professeure à l'Institut pour la construction et l'environnement de la Haute École spécialisée de Suisse orientale évoque dans une interview les défis et les opportunités qui en découlent. Elle donne des conseils concrets aux propriétaires pour construire et rénover de manière à préserver les ressources.

Susanne Kytzia, beaucoup de personnes associent le recyclage principalement au verre ou au PET. Que signifie concrètement le recyclage dans le contexte de la construction ?

On peut se le représenter de manière très similaire au recyclage domestique : lorsqu'une maison est démolie, l'entreprise de construction installe différentes bennes sur le chantier et procède à la démolition de manière à trier les matériaux par type, comme nous le faisons à la maison avec le verre et le PET. Plus le tri est efficace, moins l'élimination des déchets est coûteuse au final. Si je peux par exemple trier proprement les débris de béton, cela n'entraîne pratiquement aucun coût. Mais si d'autres matériaux s'y trouvent, l'élimination sera d'autant plus coûteuse. Si l'on parvient même à séparer les fers d'armature ou les barres d'armature directement sur le chantier, on peut parfois même gagner de l'argent. À cet égard, le principe est très similaire au recyclage ménager : ceux qui trient proprement économisent, voire gagnent de l'argent.

Quel rôle joue le secteur du bâtiment en matière de durabilité et d'économie circulaire ?

Le secteur du bâtiment joue un rôle très important en matière de durabilité et d'économie circulaire, car l'industrie de la construction est associée à d'énormes flux de matières. Des quantités considérables de matériaux sont déplacées, comme le gravier, le béton, l'asphalte ou encore les déblais provenant des fouilles, qu'ils soient pollués ou non. Ne serait-ce qu'en raison de ces quantités, ce secteur représente la plus grande partie des déchets générés par les démolitions. Il ne s'agit généralement pas de déchets particulièrement toxiques, mais simplement d'une grande masse qui doit être transportée et éliminée, souvent dans des décharges. La plupart de ces matériaux ne sont pas incinérés, mais transférés vers un autre cycle d'utilisation, ce que l'on appelle le « downcycling ». Tout cela implique d'importants volumes de transport, qui à leur tour causent des nuisances environnementales, telles que le bruit, les gaz d'échappement ou la poussière.

Existe-t-il en Suisse des dispositions légales ou des mesures incitatives – par exemple des subventions spéciales – qui encouragent le recyclage et l'économie circulaire dans le secteur de la construction ?

Oui, il existe en Suisse des dispositions légales qui encouragent le recyclage et l'économie circulaire dans la construction, notamment depuis l'entrée en vigueur de l'Ordonnance sur la limitation et l’élimination des déchets (OLED) en janvier 2016. Celle-ci réglemente de manière relativement stricte le traitement des déchets de construction. Il existe par exemple une obligation de valorisation pour certains déchets de construction, tels que les débris de béton, ce qui signifie qu'ils doivent être recyclés. Pour l'élimination des déchets de construction provenant de grands chantiers (à partir de 200 mètres cubes), un certificat d'élimination doit être fourni. En conséquence, le nombre de décharges de construction et d'excavation autorisées sera nettement réduit à l'avenir. Cela rendra les décharges beaucoup plus coûteuses, ce qui incitera financièrement à trier et à recycler autant que possible afin d'éviter les frais de décharge élevés.

Vous avez évoqué le justificatif de recyclage – qui doit le fournir ?

C'est au maître d'ouvrage de fournir le justificatif de recyclage. Il est responsable de tout ce qui concerne le permis de construire et les prescriptions légales. Cela signifie qu'il doit prouver que les déchets de chantier sont recyclés ou éliminés conformément à l'OLED. Pour plus d'informations sur le justificatif de recyclage, vous pouvez vous adresser à l'autorité compétente en matière de construction de votre lieu de résidence.

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Vers l'article

Quelles sont les raisons qui incitent les propriétaires à se pencher sur le thème du recyclage dans la construction ?

En tant que propriétaire, il est important de s'intéresser au recyclage dans la construction, car aujourd'hui, en Suisse, la plupart des projets de construction concernent soit l'agrandissement de bâtiments existants, soit la reconstruction de bâtiments existants. La construction sur des terrains vierges est devenue plutôt exceptionnelle. Dans de nombreux cas, cela signifie qu'avant de pouvoir construire quelque chose de nouveau, il faut d'abord démolir quelque chose d'existant – et c'est précisément là que le recyclage des déchets de construction entre en jeu. En effet, la manière dont je trie et recycle ces déchets a un impact direct sur les coûts. Cela se ressent très concrètement. À long terme, il est donc intéressant de veiller, lors de la construction, à ne pas avoir à supporter des coûts élevés pour l'élimination ou le recyclage lors d'une transformation ou d'une démolition ultérieure.

Y a-t-il un exemple qui montre pourquoi il est judicieux de se pencher dès le début sur les coûts du recyclage et de l'élimination ?

À l'époque, nous avons fait isoler notre maison avec un isolant moderne en plastique collé, d'une épaisseur d'environ 15 centimètres, sur toute la façade. Si nous devions le démonter un jour, cela coûterait très cher. Si nous y avions pensé il y a 15 ou 20 ans, nous aurions probablement décidé de ne pas utiliser ce système. Beaucoup de gens ne pensent pas au démontage lorsqu'ils construisent, mais espèrent que tout durera éternellement. Mais ce moment finit toujours par arriver, et ces décisions peuvent alors considérablement renchérir le prochain projet de construction.

Pour l'instant, cela n'a pas encore d'incidence sur la valeur des bâtiments, car celle-ci est principalement déterminée par la valeur immobilière et donc fortement influencée par l'emplacement. Mais à long terme, la valeur des bâtiments pourrait également baisser, par exemple lorsque les acheteurs potentiels se rendront compte des coûts qu'ils devront supporter à l'avenir.

Nous avons déjà évoqué les raisons pour lesquelles il est important de se pencher sur cette question. Mais y a-t-il également des inconvénients à prendre en compte ?

Si, en tant que maîtresse ou maître d'ouvrage, je m'intéresse aujourd'hui à la question de la déconstructibilité et de la séparabilité des matériaux de construction, cela peut dans un premier temps entraîner des coûts plus élevés. Même s'il est clair que cela me permettra d'économiser de l'argent dans 20 ou 30 ans, l'effort est pour l'instant plus important en raison d'une planification plus complexe, de matériaux spéciaux et d'investissements initiaux plus élevés. C'est en tout cas un aspect auquel il faut réfléchir.

Un autre point concerne le recyclage des déchets de construction produits aujourd'hui : selon le matériau, le recyclage peut entraîner une consommation de ressources ou des émissions plus élevées que la production de matériaux neufs. C'est particulièrement le cas du béton, où le recyclage apporte relativement peu en termes de protection du climat, même si le béton recyclé présente d'autres avantages écologiques. Il en va autrement pour les métaux : ici, le recyclage est presque toujours plus écologique et moins coûteux. Pour moi, en tant que maître d'ouvrage, cela n'a toutefois qu'un impact limité, du moins sur le plan financier. Cela devient particulièrement pertinent lorsque je souhaite également assumer une responsabilité écologique.

Existe-t-il des matériaux ou des méthodes de construction particulièrement recommandés si je souhaite privilégier la durabilité et le recyclage ultérieur ?

En termes négatifs, il convient d'éviter les matériaux et les méthodes de construction dans lesquels les différents composants sont collés ou solidement assemblés et difficiles à séparer. Les matériaux composites à plusieurs couches sont donc généralement moins adaptés. L'isolation collée que nous avons mentionnée précédemment en est un bon exemple : ce n'est certainement pas la manière la plus intelligente de construire. Il est beaucoup plus judicieux de choisir et de traiter les matériaux de manière à ce qu'ils puissent être facilement séparés par la suite. Les assemblages mécaniques sans colle sont donc généralement préférables. Dans la construction en bois également, il est avantageux de renoncer aux traitements ou aux revêtements qui rendent le matériau difficile à recycler. En principe, tout ce qui permet une réutilisation propre et facile est le meilleur choix à long terme.

Avez-vous d'autres conseils concrets à donner aux propriétaires qui souhaitent construire, rénover ou démolir en préservant les ressources ?

Un conseil très simple : dans la mesure du possible, il vaut mieux ne pas construire de nouveaux bâtiments, mais conserver et agrandir le parc immobilier existant. Cela permet d'éviter toute la démolition et les problèmes qui y sont liés. En règle générale, construire de grandes caves et utiliser de grandes quantités de béton est la pire chose que l'on puisse faire du point de vue des ressources. Si cela peut être évité, il faut au moins réduire au maximum la quantité de béton utilisée et privilégier des matériaux alternatifs pour les autres éléments de construction. Il est également toujours recommandé de concevoir la maison dès le départ de manière à ce que les plans soient aussi flexibles que possible et permettent une utilisation à long terme. Ainsi, on ne construit pas seulement pour les prochaines décennies, mais peut-être pour plus de cent ans. De cette façon, le successeur n'aura pas à démolir la maison simplement parce que les plans ne conviennent plus.

Quand vous dites que les plans doivent être aussi flexibles que possible, comment cela se traduit-il concrètement ?

Dans les grandes maisons notamment, on peut notamment installer le moins de murs porteurs possible ou les concevoir de manière à permettre de nombreuses configurations différentes. Les cloisons peuvent ainsi être placées et modifiées de manière flexible. L'aménagement du bâtiment doit également être conçu de manière à pouvoir être transformé ultérieurement. Par exemple, on peut louer l'étage supérieur séparément ou créer différents accès afin de ne pas être lié à un plan rigide qui ne fonctionne que tel qu'il a été construit à l'origine.

Pour conclure, osons un regard vers l'avenir : quelle importance revêtira l'économie circulaire dans la construction au cours des prochaines années et décennies ?

Je pense que l'économie circulaire dans le secteur de la construction va prendre une importance croissante dans les années et décennies à venir. La nouvelle législation sur les déchets, en particulier l'OLED mentionnée au début, commence seulement à produire ses effets, et les coûts d'élimination dans les décharges augmentent de plus en plus. De plus, l'espace disponible dans les décharges se raréfie, selon les cantons, ce qui fait encore grimper les prix. Parallèlement, les réglementations environnementales se durcissent, notamment en matière de traitement des substances nocives. Par exemple, lorsqu'on enlève des matériaux d'excavation dans des zones densément peuplées, il devient de plus en plus difficile d'obtenir des matériaux propres et non contaminés. Cela entraîne une augmentation des coûts de mise en décharge, car les matériaux ne peuvent plus être aussi facilement réutilisés. Cette évolution accroît la pression sur les coûts de démolition. Mais elle ouvre également de grandes perspectives : en améliorant la recyclabilité des matériaux grâce à un tri minutieux et à des méthodes de construction facilitant la démolition, il est possible d'éviter des coûts d'élimination élevés et de réaliser des économies à long terme.
 
Un autre facteur important, dont l'évolution est encore difficile à évaluer, concerne les matières premières : l'évolution future des prix des matières premières reste incertaine. On observe déjà aujourd'hui une hausse des prix des métaux tels que le cuivre ou l'acier. En revanche, l'évolution du béton va plutôt dans le sens inverse. Il est toutefois difficile de prédire aujourd'hui comment la situation évoluera au cours des dix à quinze prochaines années.

Entretien avec une experte : Susanne Kytzia

Susanne Kytzia est professeure à l'Institut pour la construction et l'environnement de la Haute École spécialisée de Suisse orientale, où elle dirige le pôle interdisciplinaire « Climate and Energy ».

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